A la folie de Birgitte Lorentzen
Bayard jeunesse, Millézime coll.
Chaque nuit, Luisa fait des cauchemars : une petite fille qui l'appelle à l'aide. C'est d'un réalisme effrayant, mais malgré tout, elle refuse d'y croire. La petite fille, non contente de ne pas être entendue, suit Luisa partout, et lui joue des tours, déplace des objets (les clés de maison dans le congélateur, le portable dans le panier à linge sale...). Si bien que très rapidement, cela devient insupportable, et Luisa pense être en train de devenir folle et personne ne la croit. Ses parents pensent qu'elle est simplement très fatiguée... Mais un jour, un élève de son lycée lui demande tout naturellement pourquoi cette petite fille la suit partout. Alors comme ça, il la voit, lui aussi? Tout ceci n'est pas pour la rassurer, car le garçon est surnommé "Thomas le barjo" par tous les élèves. Il est traité pour des troubles de la personnalité, et parle souvent à des êtres qu'il semble être le seul à percevoir. Il se trouve en fait que ce garçon est médium, et que lui seul pourra aider Luisa à se débarrasser de la petite fille.
A travers un roman qui se lit comme un véritable thriller, la danoise Birgitte Lorentzen fait entrer son lecteur dans l’univers des mondes invisibles. Les perceptions qu’a Thomas du monde des morts sont-elles dues à un don aussi singulier qu’effrayant ou au contraire le simple reflet d’un esprit perturbé en proie à la schizophrénie ? Si les scènes finales apportent leur éclairage sur cette question, elles sont aussi le prétexte à évoquer avec beaucoup d’émotion l’un des faits les plus tragiques de l’histoire du Danemark au cour de la seconde guerre mondiale.
Que s’est-il passé ce 21 mars 1945 à Copenhague pour qu’une petite fille ne puisse depuis trouver le repos…?
Roman fantastique et historique mais aussi une belle histoire d’amitié, voire plus si affinités…
Estelle
La méprise de Michael Espinosa
Oska jeunesse
Noémie, adolescente de seize ans, sans problèmes, change brutalement de comportement : elle rejette ses amis et sa famille, s’en prend à son lycée et fugue avec un jeune motard peu fréquentable. La révélation d’un secret de famille est visiblement à l’origine de ce bouleversement qui conduira Noémie à commettre des actes dramatiques pour faire exploser la vérité au visage de son entourage.
Le prologue nous laisse envisager un dénouement dramatique, liant Noémie, seize ans, et un homme qui tente de l’arrêter dans sa fuite. Puis l’histoire nous est racontée à rebours : nous suivons Noémie dans les quarante jours qui ont précédé cette première scène.
L’intrigue est bien menée. Nous suivons le comportement à première vue peu cohérent de Noémie dans l’attente de la révélation de son secret dont on comprend vite qu’il est la clé de l’intrigue. Le principal intérêt du livre tient d’ailleurs dans cette construction bien ficelée, l’histoire en elle-même étant tout de même assez convenue.
Nejma
Silhouette de Jean-Claude Mourlevat
Gallimard, Scripto coll.
- Une femme ordinaire a l’occasion de figurer dans un film avec son acteur préféré et passe de la joie à l’humiliation.
- Guillaume, 14 ans, ferme consciencieusement la maison familiale pour les vacances. Alors qu’il se trouve dans le car de sa colonie de vacances sur l’autoroute, il se rend compte qu’il a enfermé le chat dans sa chambre.
- Des années après les faits, un harceleur retrouve un harcelé pour lui demander pardon.
- Une timide assistante de Français devient la complice de sa logeuse justicière et meurtrière.
- Une famille modeste part en vacances à Ouessant et y construit un merveilleux château de sable, signe d’un bonheur bien éphémère.
- Un obsédé de l’accord du participe passé rencontre un maniaque de l’hygiène.
- Un comédien oublie toujours la même réplique sur scène alors qu’il joue Dom Juan, apparemment sans raison.
- Un adolescent s’entend merveilleusement avec un oncle mal vu de sa famille qui lui rapporte toujours un objet de ses voyages.
- Une retraitée retrouve le goût de vivre en apprenant des poèmes.
- Un auteur très imaginatif se fait voler ses nouvelles.
Des histoires douces-amères, grinçantes, étonnantes, où le quotidien prend des allures redoutables, où les femmes, hommes ou adolescents mis en scène sont malmenées par le destin.
Florence
Yakusa Gokudo. 1 Les otages du dieu-dragon de Michel Honaker
Flammarion, Grands formats coll.
Saburo est un jeune yakusa (gangster japonais). Alors qu’il vient de passer un homme à tabac avec des comparses sur une plage, il recueille une jeune femme qui semble tout droit sortie de la mer. Elle lui évoque Otohimé, la princesse des mers d’une légende maritime. Qui est-elle ? Est-elle Japonaise ou Coréenne ? Saburo n’aura de cesse de la protéger. Pour cela il devra s’allier ou s’opposer à sa propre mère, à son clan de yakusa, à la police et à un inquiétant gang coréen.
C’est un roman policier bien construit, captivant et intéressant. En outre, l’intrigue met en lumière les rapports difficiles entre le Japon et la Corée du Nord.
Florence
Freak city de Kathrin Schrocke
Joie de lire, Encrage coll.
Parce que la relation qu'il entretient avec Sandra bat de l'aile, Mika repère, au hasard d'une rue, une fille aux boucles brunes et aux yeux de biche. Fasciné par sa beauté singulière, il l'aborde au Freak City, un café alternatif branché. Tombé amoureux de cette adolescente qui converse en langue des signes, il décide de prendre des cours pour communiquer avec elle. Un nouvel univers s'ouvre à lui, à la fois riche et rude. Entre Sandra et Léa, son coeur balance au rythme de ses sentiments ambivalents, qui oscillent entre un monde familier et reconnu et une irrésistible envie de sauter dans l'inconnu.
Un bon livre qui aborde le problème du handicap et des préjugés qui vont avec et l’adolescence avec les relations familiales difficiles, les amours contrariées et la découverte enfin de l’AMOUR !!!
Béatrice
Itawapa de Xavier-Laurent Petit
Ecole des loisirs, Médium coll.
L’histoire se passe en Amérique du sud, de nos jours.
La mère de Talia est un anthropologue engagé, qui protège des morceaux de forêt vierge et leurs habitants contre les multinationales avides de profit.
Mais cette fois, Talia s'inquiète : cela fait plus d'un mois qu'elle n'a pas de nouvelles du minuscule campement à partir duquel sa mère est partie à la recherche de celui qu'elle estime
être le dernier survivant de sa tribu. La jeune fille parvient à convaincre un policier et son grand-père de faire le voyage jusqu'à Itawapa pour découvrir ce qui s'y passe…
Après un prologue saisissant où l’on assiste à cette scène : des indiens dans la forêt, une femme allaitant son enfant... un terrible orage... et puis le bruit des machines : les
Kalawas, ces hommes qui coupent les arbres, ils sont là… Une seule solution: partir. Mais un indien, Ultimo veut voir et c’est là que tout bascule… Ultimo est le seul survivant du massacre né
d’un désir de vengeance…
Comme souvent, dans ses romans, Xavier-Laurent Petit donne vie à des personnages existant ou ayant existés. Ce roman est inspiré de l’histoire de l’Indio do Buraco, un des survivants d’une des nombreuses tribus massacrées en Amazonie, juste pour récupérer leur terre. Ecriture sobre, osmose parfaite entre le descriptif et l’émotion. Le lecteur plonge littéralement dans la gigantesque forêt.
Estelle
La Décision d’Isabelle Pandazopoulos
Gallimard jeunesse, Scripto coll.
Un matin, Louise, brillante élève de terminale, a un malaise en plein cours de math. Quelques minutes plus tard, elle accouche seule d'un enfant dont elle ne savait rien, qu'elle n'a pas attendu et encore moins désiré.
Louise a fait un déni de grossesse ; elle n'a jamais remarqué qu'elle était enceinte. Plus étrange encore, elle dit n'avoir jamais couché avec personne.
Livre écrit à plusieurs voix, ce qui peut dérouter le lecteur. A ma connaissance il existe peu de roman jeunesse sur le déni de grossesse et ce livre a le mérite de traiter le sujet avec beaucoup de pudeur. Malgré ce que dit la quatrième de couverture, j’ai trouvé que Louise était bien seule pour affronter la situation. J’ai néanmoins bien aimé ce livre bien que je l’ai trouvé un peu superficiel, le sujet méritait d’être un peu plus creusé.
Béatrice
Tu seras partout chez toi d’Insa Sané
Sarbacane, Exprim’ coll.
Sény, ses amis, son village, les jeux de l’enfance… Et puis brusquement le départ, seul, avec sa valise en carton. Ses parents l’envoient de l’autre côté du monde, « au pays des Hommes Pressés », chez son oncle et sa tante.
Sény, 9 ans, héros et narrateur, raconte l’exil, la difficulté de s’adapter à un nouveau chez soi.
"Et, en quelques battements d'ailes de paillon, je me suis retrouvé perdu, loin de mon village, loin de mes parents, loin de mes amis, loin de Yulia, loin de chez moi. J'étais ailleurs. J'étais perdu. J'étais parti."
A l’école il fait tout pour se faire renvoyer, espérant ainsi retourner chez ses parents. Peine perdue ! Il se rapproche alors d’une de ses camarades de classe, Brindille, dont le père est surnommé « le passeur » mais ce n’est pas lui qui le ramènera dans son pays.
Bien décidé à trouver le chemin du retour il fugue. Commence alors un voyage fantastique, une épopée qui le fera grandir.
Récit onirique, conte philosophique… Après une comédie urbaine tout en rythme (démarée avec Sarcelles-Dakar), Insa Sané change de registre mais ne perd rien de sa richesse d’écriture. Un peu triste, très poétique, on aimerait l’entendre slammer certains passages !
A noter la bande-son proposée : Selah Sue, Cesaria Evora, 2Pac, Nas, Aretha Franklin…
Laure
Frangine de Marion Brunet
Sarbacane, Exprim’ coll.
Joachim est en terminale, il aborde sereinement sa dernière année de lycée entre ses amis, la découverte de l’amour avec Blandine et une vie de famille chaleureuse avec ses deux mères et sa sœur Pauline. En revanche l’entrée au lycée pour cette dernière se révèle un calvaire. Elle se retrouve confrontée au regard des autres et doit subir leurs moqueries et leur agressivité du fait de sa situation familiale. Pauline va se refermer sur elle-même et refuser l’aide de son frère quand celui-ci comprendra la situation.
Joachim, narrateur principal de ce roman, raconte la majorité des évènements avec son regard d’adolescent, son ressenti, ses questionnements sur l’amour, ses relations familiales.
Mais le récit montre également le point de vue des mamans Julie et Maline et celui de Pauline.
L’homoparentalité est au cœur de l’histoire mais une belle part est laissée aux relations du frère et de la sœur et aux problèmes des adolescents qui cherchent leur place. Marion Brunet livre un joli récit tout en simplicité.
Laure
L’ombre d’un père de Florence Cadier
Thierry Magnier, Roman coll.
Gary vit seul avec Nicole, sa mère, à Wellington Nouvelle-Zélande et ne sait rien de son père. Obstinément et malgré les demandes jetées et insistantes de son fils, Nicole ne veut rien dire. Gary promène sa mélancolie et sa sourde révolte, obsédé par ce qu'il pense être un secret honteux et par des cauchemars récurrents où un soldat se bat dans les tranchées. Aussi lorsqu'un soir, dans un bar, une jeune Française l'aborde lui disant qu'elle sait des choses sur son père, Gary est bouleversé. Mais rien ne se passe comme prévu
J’ai bien aimé cette quête du père. Seule la relation avec sa mère assez violente limite physique m’a dérangé, surtout je n’ai pas trop compris le silence de Nicole à ce sujet, cela n’était à mon avis pas nécessaire.
Béatrice
Wonder de Palacio
Pocket jeunesse
August, jeune garçon de dix ans, est atteint d’une maladie génétique rare qui se traduit par une malformation faciale dont on comprend l’importance dès les premières pages du livre : « Je m’appelle August. Je ne me décrirai pas. Quoi que vous imaginiez, c’est sans doute pire. ».
August est entouré d’une famille aimante : ses parents, sa grande sœur Via, ses grands-parents. Il n’a jamais été scolarisé en collectivité jusque-là, son état de santé ayant nécessité de nombreuses interventions chirurgicales et son physique rendant le contact avec les autres enfants difficile.
Alors qu’il approche de ses dix ans, les parents d’August lui proposent de poursuivre sa scolarité au collège. Nous allons alors suivre la vie d’August et de sa famille pendant une année, depuis ses premiers contacts avec son nouveau collège jusqu’aux remises de prix de fin d’année.
Wonder est une belle histoire sur la difficile acceptation de la différence : par soi-même, par ses proches, par son entourage, par les autres de manière générale.
L’histoire nous est racontée selon plusieurs points de vue successifs : celui d’August, de Via, de leurs amis. Nous suivons ainsi l’année de sixième d’August avec des joies, des souffrances, des déceptions, des victoires, tant pour August que pour son entourage.
Sujet grave abordé avec beaucoup de justesse et d’humour notamment grâce au personnage d’August qui porte l’histoire et dont l’issue de son année de 6ème tient en haleine le lecteur jusqu’au bout.
Nejma
Qui va loin revient près de Christophe Léon
Thierry Magnier, Roman coll.
Kimia a vécu au Congo jusqu’à l’âge de 9 ans. Son père, gravement malade, pense faire le bon choix en l’envoyant à Paris où il espère qu’elle aura accès à l’éducation et aura un avenir prometteur. Elle sera adoptée par un couple de bourgeois et vivra recluse dans un appartement pendant huit ans. Un jour, elle décide de s’enfuir mais dans l’immensité de Paris, Kimia va vite se trouver démunie, sans papiers, sans argent et en danger. C’est sans compter sur l’aide de Gilles, un jeune homme qui va l’accueillir, qu’elle parviendra à se procurer de faux papiers d’identité avant de se faire arrêter par la police. Ensemble, ils parviendront à retourner au foyer familial où ils tenteront de mettre la main sur la maîtresse de maison.
C’est une intrigue surprenante et un dénouement dérangeant, pessimiste, à la limite de la frustration que nous offre ici Christophe Léon. On se laisse facilement emporter dans le récit de la fillette qui tente de prendre son destin en main dans un pays étranger où rien ne semble l’avoir accueillie. Un sujet traité avec justesse mais n’offrant malheureusement aucune échappatoire ni aucun espoir au personnage.
S.O
Made in Vietnam de Carolin Philipps
Bayard jeunesse, Millezime coll.
Lan a 14 ans et travaille d’arrache pied dans une fabrique de baskets pour assurer la survie de sa famille. Avec sa jeune sœur, elle fait la connaissance de Taï Lê, l’héritier de l’entreprise qui l’invite à passer la soirée chez lui ; une façon de découvrir pour Lan la maison familiale et la distraction. Mais les conditions ne cessent de se dégrader à l’usine (chaleur, inhalation de produits toxiques, pauses inexistantes) et les sanctions tombent si l’on s’endort devant son ouvrage. La panique prend tous les travailleurs lorsqu’un surveillant lâche une couleuvre dans l’usine. Lan, qui a appris à chasser les serpents avec son père, parviendra à capturer la bête qu’elle rapportera à grand-père Lê. C’est le début d’une amitié mais aussi des ennuis pour Lê, considérée par ses collègues comme une traîtresse puisqu’elle travaillera dorénavant à la maison familiale en tant que domestique. Loin d’avoir oublié les siens, Lan va tout faire pour défendre la cause et les conditions de travail de ses collègues. La venue d’un inspecteur sera l’occasion rêvée de révéler l’inacceptable et empêcher à ses supérieurs de détenir la précieuse pastille bleue, un certificat de « conformité aux normes internationales sur les conditions de travail dans la fabrication des chaussures ».
Le récit se déroule en 2008 et reste d’actualité. Emouvant et poignant, il retrace les conditions de travail déplorables des enfants au Vietnam, un sujet encore tabou qui nous mène à nous interroger sur les habitudes de consommation de notre société et sur la moralité à porter des vêtements ou des chaussures conçus avec des larmes, de la fatigue et de la sueur comme le retrace assez justement Carolin Philipps.
S.O
Mon Amérique d’Alice de Poncheville
Ecole des Loisirs, Medium coll.
Lisa, adolescente de 13 ans, est frustrée lorsqu’elle apprend l’annulation de ses vacances d’été aux Etats-Unis. A la place, elle part en séjour avec son petit-frère dans le sud de la France pour y trouver sa grand-mère, une veuve optimiste. Un matin, elle constate que des plumes ont poussé sur sa tête et tente de les dissimuler sous un bonnet. Lalou, un jeune homme qu’elle va prendre d’affection semble être le seul à qui elle pourra révéler son secret.
Sous la métaphore des plumes se cache les mutations physiques et physiologiques du personnage qui vit mal sa période d’adolescence. L’auteur parvient à dédramatiser par son style poétique tout en légèreté en décrivant des petits moments de plaisir et de bonheur simple.
S.O